Oui, les lieux culturels sont fermés, à notre grand regret ! Vous savez à quel point nous sommes attachés à ces découvertes. C’est peut-être même toutes ces expositions, tous ces spectacles qui nous nourrissent au quotidien dans le métier que nous exerçons.
Nous nous sommes laissés aller à des rêveries d’une autre époque, pas si lointaine ; nous étions allés découvrir l’exposition consacrée à Charlotte Perriand à la Fondation Louis Vuitton.
Un peu nostalgiques, nous avons eu envie de partager avec vous le portrait de cette femme d’exception qui suscite toute notre admiration.

Les débuts

Charlotte Perriand est née à Paris en 1903. Son père est tailleur, sa mère couturière pour la haute-couture.
Elle entame des études à l’Union centrale des Arts Décoratifs entre 1920 et 1925. Deux ans plus tard, elle installe son atelier d’architecte d’intérieur dans le quartier de Saint-Sulpice.
Rapidement, elle collabore avec Le Corbusier et son cousin Pierre Jeanneret sur la Villa Church, construite entre 1927 et 1929 à Ville-d’Avray dans les Hauts-de Seine (malheureusement détruite en 1963 !), sur la Villa Savoye entre 1928 et 1931 (Poissy, Yvelines), ou bien encore sur le Pavillon suisse de la Cité Universitaire (Paris).
Elle travaille aussi sur les aménagements de la Villa La Roche (Paris XVI) qui deviendra la Fondation Le Corbusier, classée au titre des Monuments Historiques en 1996 et au Patrimoine Mondial en 2016.

Ci-dessus, la Villa Church, photographiée à la fin des années 20 laisse apercevoir un détonnant contraste entre le design automobile de l’époque et l’architecture de Charles-Édouard Jeanneret, dit Le Corbusier.
Le mobilier, conçu par Charlotte Perriand, est tout aussi moderne (ci-dessous), toujours d’actualité : la preuve en est, il est toujours diffusé aujourd’hui par la maison Cassina.

Le dialogue entre les arts et les cultures

Charlotte Perriand entretient son aspiration à synthétiser les arts, à les faire dialoguer entre eux ; elle conçoit ses intérieurs dans une vision globale. Il n’est pas rare de voir son mobilier associé aux tableaux de Fernand Léger.
Elle participe ensuite à la fondation de l’Union des artistes modernes (UAM) qui sera présidée par Robert Mallet Stevens puis se lance dans la recherche photographique aux côtés de Fernand Léger et de Pierre Jeanneret.

Charlotte Perriand est une femme émancipée et déterminée. Malgré les difficultés d’entreprendre un voyage en 1940, elle décide de quitter la France et de se rendre au Japon où elle est appelée pour occuper le poste de conseillère pour l’art industriel au gouvernement japonais. Elle se nourrit de la culture nippone et en particulier de son design  pour imaginer un mobilier aux lignes épurées.
On a peine à imaginer une femme dans les années 40 au Japon ; c’est un pays encore très contrasté basé sur une société menée essentiellement par les hommes.

Charlotte Perriand au Japon, en 1954

Une femme engagée

Si Charlotte Perriand travaille pour des clients fortunés, elle n’en oublie pas moins sa vision démocratique du design : la recherche esthétique n’est jamais exempte de la notion de progrès social.
Elle invente la cuisine ouverte pour qu’enfin, la femme ne soit plus cloisonnée dans une pièce isolée : elle peut alors participer à la vie familiale et sociale qui peut désormais s’articuler autour de la cuisine. Celle-ci devient un élément clé de la maison, une pièce centrale au rôle social déterminant.

Dès 1934, elle se spécialise dans l’architecture préfabriquée en créant notamment le concept de La Maison au bord de l’eau : une construction minimaliste, de petite taille, peu coûteuse et pour autant confortable. Pour Charlotte Perriand, les vacances devraient être accordées à tout le monde, car elles sont essentielles au bien-être des individus.

Sa recherche de l’accessibilité du design pour tous la mènera à concevoir de nombreux espaces préfabriqués, autour des loisirs comme (ci-contre), les fameux Refuges Tonneaux de haute montagne.

Charlotte Perriand a vécu sa passion et son engagement toute une vie durant, avec toujours cet objectif de partage, de démocratisation du design, du confort. Elle a été une féministe de la première heure, osant défier Le Corbusier (en exigeant par exemple que sa signature soit présente sur ses créations au même titre que ses confrères masculins).

Sa dernière entreprise majeure, la station de ski  « Les Arcs » ici en construction. À la fin de sa vie, les objectifs de Charlotte Perriand restent inchangés : rendre possibles des vacances jusque-là réservées à une élite, en concevant des logements adaptés, optimisés, pensés pour être financièrement accessibles. On sait aujourd’hui, que finalement, ils ne le sont pas pour tout le monde, mais ça, c’est une autre histoire…

Quelques pièces iconiques de Charlotte Perriand

1953
Les tabourets Meribel et Berger, inspirés des univers de la montagne, des tabourets utilisés par les bergers pour traire les bêtes.

1928
La chaise basculante LC4, injustement attribuée à Le Corbusier. Si le brevet a été déposé au nom de Pierre Jeanneret, Le Corbusier et Charlotte Perriand, c’est elle qui en est la créatrice.

1952
La table Mexique en forme libre a été conçue dans les années 50 pour la Maison du Mexique dans la Cité Universitaire Internationale de Paris.