Emblème des Monts d’Arrée et comptant parmi les fleurons du patrimoine breton, la chapelle Saint-Michel de Brasparts a fait l’objet d’une restauration complète en 2022. Programmé depuis de longue date, le projet de restauration de l’édifice, cantonné d’abord à la charpente et aux maçonneries, a pris un autre visage à la suite des incendies de 2022. La généreuse donation de François Pinault a ainsi permis d’offrir très rapidement à la chapelle un mobilier liturgique signé par Ronan Bouroullec, un des plus grands designers français actuel. Il fut accompagné dans son travail par des artisans au savoir-faire remarquable et l’ensemble du projet fut coordonné par un spécialiste, ardent défenseur du patrimoine breton et ancien Ministre de la Culture : Jean-Jacques Aillagon. Ils ont accepté avec gentillesse de répondre à nos questions pour nous permettre de retracer avec eux cette aventure unique et collective.

La chapelle Saint-Michel de Brasparts a été construite à fin du XVIIe siècle.
Un projet coordonné par Jean-Jacques Aillagon
Point de départ du projet, l’appel d’offre pour la restauration de la chapelle Saint-Michel de Brasparts fut lancé par le Conseil Général du Finistère début 2022. Les entreprises Le Ber à Sizun, Coadou à Commana et Couverture du Mont à Brasparts furent respectivement chargées de la restauration de la charpente et de la toiture de l’édifice. Au mois de juillet de la même année, les Monts d’Arrée s’embrasent et épargnent miraculeusement la chapelle. L’effet médiatique qui s’ensuit pointe du doigt le besoin crucial de remettre en état l’ensemble de l’édifice, dont la dernière phase de restauration datait des années 1950.
« Dès le lendemain de l’incendie des Monts d’Arrée, le président du Département, Maël de Calan, a pris les choses en main avec détermination de façon à ce que la restauration du site et de ses installations soit aussi rapide que possible. Il m’a demandé de coordonner plus particulièrement, en lien avec ses services, avec la maîtrise d’œuvre et avec les entreprises, la restauration de la chapelle qui, même si elle n’avait pas été touchée par le feu, avait grand besoin de travaux » indique Jean-Jacques Aillagon.
Bien que le financement des travaux engagés eut été programmé par le Département, François Pinault, milliardaire breton très attaché aux hauts lieux de la mémoire de sa région, a aussitôt indiqué vouloir apporter la totalité du financement nécéssaire, non seulement à la restauration de la chapelle, mais aussi à la recréation d’un mobilier liturgique.
En accord avec le Diocèse de Quimper et de Léon, Jean-Jacques Aillagon a décidé de faire appel au finistérien d’origine Ronan Bouroullec, aujourd’hui l’un des plus grands créateurs français.
« François Pinault a souvent travaillé avec lui, par exemple pour les luminaires de la Bourse de Commerce. Ronan Bouroullec est, pour moi également, un vieux compagnon de route ».

Trouver les artisans pour le mobilier liturgique
Ronan Bouroullec imagine et dessine un mobilier liturgique fait de granit, de métal et de verre. Pour arriver à l’aspect désiré et trouver son sens à ce mobilier, Ronan Bouroullec sait qu’il doit s’entourer d’artisans au savoir-faire d’exception. Il fait appel à des artisans vénitiens pour la création du miroir circulaire, au ferronnier d’art roscovite Mathieu Cabioch et à Christophe Chini, tailleur de pierre à Plonévez-du-Faou.
« Ronan m’a appelé directement, il cherchait un ferronnier d’art et il avait entendu parler de mon travail » explique Mathieu Cabioch. « Lui et son équipe sont venus plusieurs fois à mon atelier avec leurs maquettes. Nous avons réfléchi ensemble aux assemblages et textures ». Plusieurs allers-retours seront nécessaires pour prototyper, contrôler et finaliser les composants en ferronnerie.


Mathieu Cabioch a fait le choix de concevoir la croix ainsi que les bougeoirs et porte-cierges dans un métal à l’aspect brut de forge, dont le travail de la texture apporte l’esthétisme aux différents éléments. Les deux parties de la croix sont assemblées par une barre à trou renflé.
Pour l’autel, Ronan Bouroullec a cette fois-ci encore directement contacté l’artisan avec lequel il souhaitait travailler. « Ronan est venu à l’atelier, puis nous sommes allés voir les blocs à la carrière de Brennilis », nous dit Christophe Chini, tailleur de pierre à Plonévez-du-Faou. « Je lui ai proposé deux blocs très grands dans un granit que je connaissais et que je trouvais très approprié pour le projet ». Appelé « Nuit Celtique de Huelgoat », le granit provient d’une veine particulière dans la carrière de Brennilis. « Sa couleur sombre et les minéraux blancs qui la composent rappellent le ciel étoilé qui enveloppe la chapelle et sa colline à la nuit tombée ». Ce granit est d’ailleurs déjà présent dans les murs de l’édifice construit à la fin du XVIIe siècle.
« Les blocs n’étaient pas faciles à manipuler, car ils étaient évidemment lourds et fragiles (1,2 tonne pour l’autel). Ronan est très professionnel et exigeant dans sa démarche. C’est quelqu’un qui, dans son travail, est à l’écoute et dans l’échange. C’était une très belle expérience ».

Une refonte totale de la charpente
Pendant ce temps là, les ateliers Le Ber basés à Sizun s’attelaient à la refonte totale de la charpente qui datait de la première campagne de restauration exécutée dans les années 1950. Un chantier réalisé à l’hiver 2022 et à l’abri dans leur atelier. « Il a fallut déposer l’intégralité de la charpente. Nous l’avons refaite en tenant compte des principes de construction du 17e siècle et en insérant un morceau de corniche moulue, seul vestige d’époque encore existant » indique Anne-Claire Le Ber. Un chantier exceptionnel par sa symbolique, mais habituel pour cette entreprise spécialisée dans la restauration du patrimoine et des monuments historiques. « La restauration de ce genre d’édifice fait partie de notre coeur de métier, et en plus, ce chantier avait lieu en plein coeur culturel des Monts d’Arrée. C’est un projet qui avait énormément de sens pour nous ».
La toute nouvelle charpente fut installée au printemps 2023, une fois les travaux de maçonnerie terminés. Les entreprises Coadou et Couverture du Mont furent chargées de la recouvrir avec des ardoises minutieusement choisies.


« Créer de la légèreté avec de la masse »
A l’intérieur de la chapelle, la densité des éléments granitiques de l’autel et de la console, ainsi que la rudesse apparente et texturée des candélabres créent un dialogue avec le lourd miroir circulaire fait de saillies policées. Vecteur de lumière, cette pièce vénitienne de verre brut semble être une sorte d’oculus, que l’on imaginerait ouvert sur l’austère paysage alentours et prêt à inonder l’intérieur de la chapelle des rayons du soleil.

Martin Bethenod, ancien directeur d’institutions culturelles françaises et européennes et ancien commissaire général de la Fiac (Foire Internationale d’Art Contemporain), rapporte :
« Assez lourds pour ne pouvoir être déplacés, assez résistants pour ne pas être abimés, assez bruts pour pas requérir d’entretien, les éléments que Ronan Bouroullec vient poser dans la chapelle doivent parvenir, malgré ces caractéristiques ou en jouant d’elles, à créer une expérience sensible, à instaurer un rapport intime au sacré.
Tout le défi du projet tient à l’opération quasi magique qui consiste à créer de la légèreté avec de la masse (…). C’est, enfin, la lumière qui vient donner vie à l’ensemble du projet ».
Ronan Bourroulec nous confiera lui-même que cette description « résume pleinement le projet ».
Alors on se dit que ça serait dommage de s’arrêter là. Et bien bonne nouvelle. Unanimement salué pour sa réussite, ce travail collectif a été décliné par Ronan Bouroullec, Christophe Chini et Mathieu Cabioch en une gamme de mobilier exposée à la galerie parisienne Kreo et même jusqu’à Rome !

Exposition de Ronan Bouroullec, Mathieu Cabioch et Christophe Chini à la galerie Kreo.
Crédits photos : Léonore Virion, Lionel Le Saux, Arte Diem, Ateliers Le Ber, Claire Lavabre – Studio Bouroullec, Christophe Chini
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