En Bretagne, du côté du Morbihan, le domaine de Kerguéhennec fait le lien entre le patrimoine et la création contemporaine :
il présente une trentaine de sculptures dans le parc et des expositions exceptionnelles dans le château. Le paysagiste Michel Collin, grand amateur d’art contemporain, a travaillé à plusieurs reprises sur la conception des jardins du domaine.
Il nous explique comment sa passion pour l’art influence son travail au quotidien et tout particulièrement à Kerguéhennec. 

Transversalité des disciplines

Michel Collin suit les cours de l’école du paysage de Versailles, il est l’élève de Bernard Lassus qui partage sa vision du jardin avec ses étudiants : “Le regard sur le paysage se construit par l’art”. Au milieu des années 80, cette manière de penser le paysage est nouvellement documentée par des recherches approfondies en histoire de l’art. Michel est influencé par ce milieu d’autant que ses liens avec Lassus ne s’arrêtent pas là : “Après l’obtention de mon diplôme, j’ai travaillé pour Bernard Lassus. C’était un grand coloriste : il avait fait ses armes dans l’atelier de Fernand Léger, alors on imagine bien que cette passion, il la communiquait à ses étudiants. Pour moi, cette synergie entre paysage, histoire de l’art, peinture et poésie, revendiquée par Lassus, a été une véritable révélation. Cette relation entre plusieurs disciplines n’a jamais cessé de m’habiter, et aujourd’hui, je suis convaincu que l’art, la poésie, peuvent accompagner les paysagistes pour faire face aux questions climatiques”.

L’art permet un autre regard sur la nature

À Kerguéhennec, on est en contact avec la nature, et aussi avec l’art, dans un parc de 175 hectares. Ce dialogue entre deux disciplines, deux espaces permet d’appréhender le jardin d’une manière tout à fait singulière : “Si je prends l’exemple de l’œuvre de Tony Craag « Gasteropodes » (1988) que j’adore, je crois qu’elle bouleverse totalement notre vision de l’espace, qu’elle modifie notre perception du jardin, parce qu’elle nous amène à regarder le jardin différemment; à observer, à s’interroger, plus qu’à subir. Tout change alors : la perspective est modifiée, ça nous amène à réfléchir sur la nature de l’espace.” 

L’œuvre de Tony Cragg Gastéropodes

D’autres œuvres sont particulièrement évocatrices de cette perception nouvelle de l’espace et amènent le promeneur à s’interroger sur des questions métaphysiques : “J’aime particulièrement l’œuvre de Giuseppe Penone « Sentier de charme » (1986), elle représente le corps d’une femme en mouvement qui laisse des traces sur son passage. Cette œuvre amène à réfléchir sur le désordre engendré par les déplacements de l’Homme et sur les liens qui nous unissent à la nature.”
(ci-contre)

Dans la serre du château, l’œuvre de Jean-Pierre Raynaud “1000 pots bétonnés peints pour une serre ancienne” donne aussi à réfléchir au pouvoir néfaste de l’Homme sur la nature. Raynaud a expliqué son œuvre de la manière suivante : “À l’école d’horticulture, on m’a appris à soigner les fleurs, mais pas à les empêcher de mourir. Je décidais d’éviter de nouvelles victimes en remplissant les pots de fleurs avec du ciment“. La serre est un lieu de confrontation entre matière vivante et matière inerte, un lieu où rien ne pousse, rien ne vit, mais surtout rien ne meurt.

L’intervention de Michel Collin à Kerguéhennec

En 2017, Michel Collin a réalisé pour le Département du Morbihan, un “Atlas des paysages du Morbihan” : “C’était passionnant, j’ai rencontré l’historien Louis Michel Noury qui m’a apporté son regard patrimonial. Comme le plan de gestion de l’Office national des forêts arrivait à terme, j’ai été invité à travailler sur une autre vision du domaine de Kerguéhennec, pour révéler le jardin imaginé par les paysagistes des siècles passés. Je me suis aussi concentré sur la restauration des perspectives, la réorganisation du passage de la lumière. Parallèlement, il me fallait proposer des solutions à des problèmes de gestion forestière, par exemple remédier à l’importance des plantes invasives comme le rhododendron”.


Aujourd’hui, en 2022, Michel travaille sur une nouvelle mission au domaine, sur un projet de requalification des abords immédiats du château, un nouvel espace pour le parking conçu par le Département et pour lequel Michel apporte des éléments de valorisation et un programme portant sur l’ancien potager du château.

Un petit tour dans le Morbihan ?